Résidence au Musée de L’Hospice Saint-Roch, Issoudun. 2003-2004
S’inscrire dans un lieu, c’est y apprendre ses noms: Tour blanche, rivière forcée, rue Foulerie.
Présences contemporaines, d’éléments de paysages, d’architectures qui composent et rythment un tissu urbain, sur la droite, à gauche en marchant vers le musée, plus loin …
Très vite devant les questionnements de l’artiste de passage, en résidence, on ouvre une histoire.
Au fil de cette mémoire est apparue une figure animale, celle du mouton.
Le mouton fut une source importante, pendant de nombreux siècles, depuis le Moyen-âge, d’un artisanat lié au tannage et à la transformation des peaux, jusqu’à l’époque industrielle où sa présence dans le paysage fut remplacée progressivement par des cultures céréalières.
Dans la continuité de ce qui anime mon travail depuis de nombreuses années, un questionnement sur les figures animales et leurs représentations, je tenais là mon personnage principal.
Il allait m’aider à interroger les écarts et tout d’abord les intervalles qui existent entre le ici et le autrefois, sa disparition et son absence physique du territoire et sa représentation dans la mémoire collective.
Epaisseurs de temps qui ont très rapidement révélé les dialogues possibles qui existent entre la présence physique de ce corps animal et sa reproduction… dessinée.
Forme dans l’espace, le dessin circonscrit une image. Forme plane, elle a aussi un double: son envers, son « clone ».
Au Musée de l’Hospice Saint-Roch dans la dernière partie de mes recherches, j’ai voulu, par l’intermédiaire d’une oeuvre picturale de la collection (une nature morte hollandaise du 17ème siècle), situer dans l’espace de monstration cet interstice qui dans la distance des temps et des corps unit et sépare tout à la fois les choses et leurs représentations.
Hors champ
Après des prises de vues photographiques situant des vues extérieures et internes à la ville d’Issoudun, j’ai mené un travail de dessin à partir de deux de ces paysages.
Etape par étape, strate par strate le dessin s’est divisé en plusieurs parties, en plusieurs épaisseurs séparées de plexiglass. Ces différents éléments jouant d’une illusion de profondeur ont accueilli des moutons dessinés, placés dans les interstices de l’espace recréé.
Ces simples images « épaissies » de la présence des moutons, reproduites au format 176cmx120cm ont été placées dans 20 structures d’affichage à différents points de la ville pendant trois semaines.
Images intercalées sur elles-mêmes pouvant devenir des formes d’intercalaires réunissant des espaces de la cité dans l’ordonnance d’une mémoire particulière.
« Hors champ »
Pierre noire, Plexiglas, Encre de chine sur papier de soie – 70cmx50cm (Photos: Jean Bernard)
Dolly Dolly
Par le jeu de l’association et de l’enchaînement possible des images, j’ai relié une forme de questionnement sur le clonage dont la brebis Dolly reste l’image tutélaire, avec la formule de Saint Exupéry « Dessine moi un mouton ».
Le sujet mouton étant posé, je pouvais interroger la question du dessin dans sa capacité de produire ou de reproduire.
Par l’intermédiaire d’une classe de CE2 de l’Ecole Michelet j’ai réuni un nombre important de dessins d’enfants qui ont répondu à ma demande de créer une silhouette de mouton.
J’ai choisi deux dessins parmi les réalisations des enfants, agrandis à l’échelle de l’animal réel, collés sur contre-plaqué et découpés aux contours. Je me suis placée de l’autre côté de ces panneaux, devant l’envers de la figure. La limite extérieure du dessin de mouton produit par l’enfant s’imposait à moi, à mon travail à venir, qui devait s’inscrire dans ce cadre fixé.
Par ce clonage formel un autre dessin de mouton est venu habiter l’intérieur de la forme.
L’installation s’est faite par l’intermédiaire de deux grandes boîtes possédant des ouvertures linéaires. Les deux moutons (ou les quatre selon les points de vue) placés au centre de chacun de ces réceptacles ont été éclairés par une lumière noire accentuant le caractère très irréel et distancé des figures.
Le spectateur par les échancrures de la structure et par son déplacement peut vérifier les écarts, les proximités et les enjeux d’une reproduction dessinée.
Pierre noire sur papier marouflé sur bois, Structure bois avec lumière noire,
Structure Hauteur 120cm, 150cmx140cm
Nature morte aux papillons
Le Musée d’Issoudun possède dans ses collections un tableau d’un peintre hollandais du 17ème siècle Abraham Begeyn « Plantes, papillons, oiseaux et insectes ». Peinture emblématique d’un art joignant les enjeux symboliques à un regard empreint du naturalisme le plus attentif.
Dans la luxuriance végétale du sujet, animaux et insectes semblent se déployer en un prolongement du vivant qui aurait oublié la loi des espèces, la séparation naturelle du végétal et de l’animal.
Face à ce tableau, dans la salle des peintures du musée, j’ai disposé trois compositions de bouquets de fleurs et de feuillages artificiels. Masse approximative de végétaux recréée dans l’illusion accessible et peu onéreuse de ces éléments de tissus et de papiers imprimés aux couleurs d’une nature toujours stable.
Avec un échantillonnage de ces feuilles artificielles j’ai travaillé avec un entomologiste sur une diversité de papillons afin de trouver les nuances, les colorations, les ressemblances qui pourraient relier ces insectes aux éléments du feuillage.
Souci du mimétisme inversé, les papillons « naturalisés » placés au coeur du feuillage viennent alors s’inscrire et se fondre dans la masse de l’artifice.
Sujets composés où chacun se fige dans un temps arrêté, suspendu, dans le moment de l’acte de peindre, dans la peinture.
Papillons naturalisés, Plantes artificielles