« vanitarium » La Cohue et le Château Gaillard de Vannes. 2013

Les dessins de Eunji Peignard-Kim nous renvoient au sens profond de la  Vanité : l’expression de la destinée mortelle de l’homme. Ce genre, tellement prisé aux siècles derniers a donné lieu à quantité de représentations en peinture. L’artiste construit son œuvre à partir des traces d’histoires particulières qui composent l’Histoire Universelle. Elle s’attarde longuement sur les collections d’animaux naturalisés, coquillages exotiques, bocaux où baignent dans un jus doré, serpents et embryons. Tout est question de regard. Le sien nous guide vers des formes étranges. Du détail agrandi surgissent des monstres, des histoires de dragons coréens sortis d’un imaginaire plongeant loin dans l’enfance. Eunji Peignard-kim parle de «  péril suspendu ». Ses dessins à la pierre noire, sépia, sanguine, sont d’une maitrise technique absolue, vertigineuse, mais jamais gratuite. Sensible aux matières, peaux, plumes, écailles, elle les restitue avec sensualité inquiétante. Les dessins, fragments de formes saisis, prennent vie et sens dans des espaces qu’elle s’approprie et recompose. De petites salles en escaliers à vis, le visiteur quitte le Château-Gaillard et poursuit sa déambulation dans le jardin, puis dans la cour où se retrouvent des sangliers stylisés échappés des monnaies gauloises, et de drôles d’aigles suspendus. Les œuvres, comme douées d’une vie propre, poursuivent leur aventure dans la rue. Elles jalonnent le parcours vers la Cohue et font le lien entre les deux grandes collections du musée. Les vitrines de la place Saint Pierre, tout en protégeant les panneaux dessinés, les livrent à la contemplation du plus large public.

Marie Françoise LE SAUX – Conservateur des Musées de Vannes

« Vanité des êtres imaginaires » Musée de La Cohue, vitrine 1 et 2

 Les êtres imaginaires sont inventés et réinventés en permanence par les sociétés humaines, le plus souvent dans un partage du monde inquiet de sens et de réponses. A chaque étape de notre histoire, la Science découvre de son côté de nouvelles espèces bien réelles, plus extraordinaires les unes que les autres. Les images et les personnages issus de l’époque médiévale, anciens compagnons de notre imagination, atteignent alors leurs limites. Ils traversent encore nos iconographies quotidiennes, mais ont perdu la force de présence et d’étrangeté qui les habitait, laissant, par un continuel renouvellement, la place à d’autres figures.

Dans les vitrines du Musée, Eunji Peignard-Kim propose des représentations dessinées de la Licorne, du Griffon, du Dragon, et du Blemmyes. Les dessins sont réalisés d’après les textes de « l’Histoire naturelle » de Pline l’Ancien, « Le livre des merveilles » de Marco Polo et « Itineraria » de Jean de Mandeville. Sur ces dessins, elle a représenté les matières, portant de l’attention aux détails, construisant les preuves d’une plausible réalité, comme si le temps s’était réellement écoulé depuis leur « capture ». Les yeux en verre galbés de poussières, le cuir craquelé par la sécheresse, le liquide noyant les chairs presque dissoutes

« Blemmyes » Dessin à la sanguine, la sépia et la pierre noire sur contreplaqué peint L 100cm H 157cm

« Licorne » Dessin à la sanguine, la sépia et la pierre noire sur contreplaqué peint L 112cm H 180cm

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   « Dragon » Dessin à la sanguine, la sépia et la pierre noire sur contreplaqué peint L 76cm H 166cm

« Griffon » Dessin à la sanguine, la sépia et la pierre noire sur contreplaqué peint, L 160cm H 127cm

« Vanité des représentations des êtres vivants »  Musée de la Cohue, vitrine 3

 Des animaux naturalisés. Objets issus de la matière même d’un être vivant dont la représentation est construite à partir des postures pensées par son époque, répondant au regard que portent les hommes sur l’animal, au détriment d’une vérité plus naturelle.

 Paradoxe des cycles de vie. L’animal mort doté d’une attitude voulue la plus « vivante » périt par les microorganismes qui en ont fait leur habitat (parasites, champignons, bactéries.…).

 A travers les collections d’animaux de la réserve du Musée, l’artiste s’est intéressée à cette beauté dérangeante. Un état de fragilité du moment se situant à la jonction entre deux possibilités : être conservé ou périr, elle tente de capter ce temps suspendu du sujet, par ses aquarelles.

« Crotophaga ani (ani à bec lisse) » Aquarelle sur papier L 41cm H 31cm

 « Parasciurus niger (écureuil noir) » Aquarelle sur papier L 41cm H 31cm

« Callithrix humeralifera (ouistiti) » Aquarelle sur papier L 41cm H 31cm

 « Carette caretta (couanne, tortue carey) » Aquarelle sur papier L 41cm H 31cm 

« Vanité de la valeur des images » Château Gaillard -Musée d’Histoire et d’Archéologie

Une monnaie, hormis sa valeur économique, est aussi un écrin qui recueille les figures symboliques de son époque.

Extraire des images d’animaux frappées au centre des monnaies gauloises (l’Aigle des monnaies « Carnutes » et le sanglier des monnaies « Vénètes »), dessiner à la dimension réelle de l’animal, lui rendre sa course furieuse, son agressivité pour ses pairs. Dans la cour du château, ces figures prennent place dans les possibles d’une fable.
Une allégorie échappée du cercle de la monnaie qui la retenait, un miroir de la nature fascinant et brutal où se pensent et se contemplent les pouvoirs.

« Sanglier 1 » L 128cm H 110cm, « Sanglier 2 » L 160cm H 92cm, « Sanglier 3 » L 140cm H101cm,
Dessin à la pierre noire sur contreplaqué peint


« Aigle 1 » L 77cm H 77cm, « Aigle 2 »
L 100cm H 100cm, Dessin à la sanguine, la sépia et la pierre noire sur contreplaqué peint.