« un pas de côté » Fondation caisse d’épargne. Toulouse 2016

Un pas de côté

Celui que fait en permanence l’artiste, éternel étranger à son propre monde, pour mieux le donner à voir.

L’animal,  la nature.

Qu’est-ce qu’un animal ? Seul, l’humain y répond, de toute sa culture.On l’élève en batterie ou avec amour, on le mange ou le chérit, on le dompte, on le force, on le conte, le raconte, on le sacrifie, on le chasse, on l’empaille, on le parque, on le trophétise, on le découpe, on l’invente, on l’imagine, on l’humanise, on le regarde de haut, du haut de notre humanité qui pense le monde vertical : de bas en haut, il y aurait lui, nous, Dieu.

Les temps peinent à se mettre à l’horizontalité : et lui et nous et la nature.A partir de quand la mort fusionne-t-elle avec le paysage, demande Eunji Peignard-Kim ?
Et, sans affect, elle observe le lent processus.
Ici, le dessin de la souche d’un arbre s’appelle « L’Homme des bois ».
La vie, la mort, le rêve, l’humus, l’impermanence la plus archaïque révélés par la plus belle des humanités : l’homme, par l’artiste incarné, dessine, se dessine, s’apprend, se révèle à lui-même par l’observation et, par un souci de naturalisme, révèle toute sa faculté d’imaginaire à se donner à voir.
Ce dessin naturaliste répond parfaitement à cette pensée sans affect et sans hiérarchie : est ce qui est.
Et ce qui est, ce sont celui qui dessine et celui qui regarde : des êtres doués d’observation et d’imaginaire de soi.

« Le dessin est un processus d’observation et d’expression qui reçoit et qui donne en même temps. Il est toujours le fruit d’une double perspective. Le dessinateur regarde simultanément vers l’extérieur et vers l’intérieur : vers le monde observé ou imaginé, d’une part ; vers son monde intérieur et rêvé, d’autre part. N’importe quel croquis ou dessin contient une part du créateur et de son univers mental, en même temps qu’il représente un objet ou une scène du monde réel ou d’un monde imaginaire. Le dessin puise aussi dans le passé et dans la mémoire de son auteur. »
Juhani Pallasmaa, La Main qui pense, actes sud / architecture

Debout

Eunji Peignard-Kim donne son autonomie au dessin. Debout dans l’espace d’exposition, il se déploie. Il fait face au regardeur. Il lui demande de s’approcher, d’être attentif. Il l’attire par des effets de lumière, de transparence, de subtiles profondeurs. Il lui fait de l’œil, si j’ose dire (la série Cyclope). Ou il le séduit, l’amuse, le charme  (El Talon, El Funambule ). Il le trompe, quoique ! (Ici, la terre ). Il l’entraîne dans le pauvre grenier d’un poussiéreux latiniste (Crotophaga ani, Callithrix humeralifera, … ). Ainsi, nous, regardeurs, traversons la galerie de nos facultés à être au monde animal et végétal jusqu’à nous retrouver face à l’homme. Tels les Freaks, ils nous regardent, agacés et nous renvoient à notre occupation si humaine de la petite fabrique du monstrueux.

Sylvie Corroler-Talairach, directrice de la Fondation espace écureuil

 

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