« L’errance d’une myope » artothèque ‐ galerie Pierre Tal Coat. Hennebont 2022

 

Née en Corée du Sud, j’ai grandi dans les années 70 à 80 au cœur d’une cité en banlieue de Séoul en pleine mutation. Il faut dire que durant cette période mes contacts avec la nature se limitaient à des mauvaises herbes qui poussaient sur les terrains vagues en attente des constructions de tours d’immeubles en quantités et en hauteurs croissantes. Il y a eu ces rares moments d’échappatoire à la campagne, mais ils n’ont pas laissé une empreinte suffisamment marquante dans mes souvenirs.

Installée en France il y a une trentaine d’années, je vis dans une maison en zone rurale bordée de champs et de forêts, mes premiers contacts avec la nature environnante, du jardin jusqu’aux chemins alentour, se firent timides et conventionnels. Mon travail puisait alors ses sources dans des sujets culturels et de société plus au contact des citadins. Des déplacements fréquents de villes en villes, dans des musées, des galeries, et des écoles, tout cela a retardé une perception qui puisse étendre mon regard à des espaces « hors champ ».

Depuis ces dernières années, j’ai pu réellement porter ma curiosité sur ce nouveau territoire qu’est « la forêt », elle m’a été offerte comme un « Nouveau Monde ».

Malheureusement le destin périlleux de beaucoup de « Nouveaux Mondes » la poursuit, en l’espace de quelques années une bonne partie de ces forêts est devenue inaccessible, ou disparue lors de coupes claires, dépouillée de ses arbres avec ses occupants.

C’est avec un sentiment d’oppression que j’assiste à la disparition grandissante de cette source nourricière au sens physique, mais aussi imaginaire, qui a été et qui le sera toujours pour l’homme, et qui est devenu la mienne à présent. Sans porter de grandes idées, j’espère que ces terrains dénudés d’aujourd’hui, ne suivront pas le destin des terrains vagues que j’ai connu dans mon enfance, ni de se transformer en un de ces champs trop grands démunis de talus et de chemins creux pour un rendement toujours croissant. 

J’apporte pour cette exposition quelques modestes fruits que j’ai cueillis en partage, en les accompagnant de quelques récits.                                                                                                                                                                                                                                     Eunji Peignard-Kim